Le conseil scientifique tire sa révérence : « Nous avons parfois été instrumentalisés »
Écrit par Admin le 22 juillet 2022
Le conseil scientifique disparaîtra le 31 juillet. Ses membres ont tenu une dernière conférence de presse jeudi dans laquelle ils ont appelé à une concertation sur la façon de « vivre avec le virus ».
Clap de fin. Le conseil scientifique tirera sa révérence le 31 juillet, en même temps que la France sortira de l’état d’urgence sanitaire. L’instance a fait ses adieux lors d’une longue conférence de presse orchestrée par son président, Jean-François Delfraissy, le 20 juillet. Depuis sa création, dans l’urgence de la première vague de Covid, en mars 2020, elle a tenu près de 300 réunions et livré régulièrement des avis sur l’épidémie. « Il est difficile de juger son propre travail, mais je crois que nous avons bien travaillé », a déclaré le professeur de médecine, spécialiste en immunologie.
Si cette conférence de presse a été l’occasion de se projeter dans les mois à venir, en déroulant les différents scénarios possibles, selon l’apparition de nouveaux variants et l’efficacité des prochains vaccins qui devraient arriver cet automne, elle a aussi permis de revenir sur deux ans de relations parfois tendues entre scientifiques et politiques. « Il était indispensable, pour nous, de rester indépendants mais ça n’a pas toujours été simple puisque ce sont les politiques qui nous ont nommés », a reconnu Jean-François Delfraissy. Alors qu’Emmanuel Macron donna d’abord l’impression, tout au long de l’année 2020, de suivre les avis du conseil, le président de la République prit ouvertement ses distances en janvier 2021 lorsqu’il se refusa à décréter un nouveau confinement en pleine reprise épidémique. Dès lors, les rapports furent plus distants entre l’Elysée et l’instance. « Nous étions là pour éclairer les autorités sanitaires et politiques qui nous ont suivis sur un certain nombre de recommandations et pas sur d’autres », a reconnu Jean-François Delfraissy.
« On a progressivement appris l’humilité »
A la question de savoir s’il y a eu instrumentalisation, le président du conseil a répondu : « Sûrement. » « On a pu être instrumentalisés par nous-mêmes, par vous, les médias, qui avez porté l’idée d’un troisième pouvoir médical et par le politique lui-même. » Mais il a insisté sur les échanges qui ont été possibles avec les dirigeants : « Je pense pouvoir dire que nous avons eu un dialogue normal dans une démocratie. » Concernant les avis du conseil, le professeur de médecine a admis que ses membres avaient dû apprendre à savoir dire : « On ne sait pas. » « Ce n’est pas simple pour des médecins et des scientifiques de reconnaître cela. On a progressivement appris l’humilité. »
La question de la réintégration des soignants non vaccinés, qui alimente de nombreux débats ces derniers jours, s’est invitée dans la conférence. « On est dans le politique absolu. Le conseil scientifique ne veut pas y mettre le petit doigt, mais il est réservé sur la réintégration des soignants non vaccinés », a dit Jean-François Delfraissy après avoir salué le remarquable travail de médiation du Conseil national de l’Ordre des Infirmiers pour convaincre des infirmiers hésitants du bien-fondé de la vaccination.
Vivre avec le virus
Le conseil scientifique, par la voix de son président, a en revanche invité le gouvernement à lancer une concertation sur la façon, à l’avenir, de « vivre avec le virus ». Car « cette stratégie constitue un changement notable par rapport aux stratégies retenues depuis le début de l’épidémie. […] Elle tolère la circulation du virus et consent à la survenue d’effets qui ne sont pas négligeables en termes de mortalité et de morbidité, y compris différées. Elle a des effets socialement inégalitaires, au détriment des plus vulnérables. Il nous semblerait donc opportun d’avoir un débat sur ce sujet, notamment pour protéger les plus fragiles. » C’est le cas des personnes immunodéprimées, soit 200 000 à 400 000 individus chez qui les vaccins n’ont pas d’effet. Le conseil scientifique a appelé à ce que se crée une « bulle de solidarité et de protection » notamment à travers les gestes barrières par rapport à « ce groupe qui se terre en attendant une évolution de la situation ».
Si le conseil scientifique doit être remplacé, à l’avenir, par un comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires institué auprès des ministres de la Santé et de la Recherche, il suggère de créer également un conseil de la science. Ce groupe réunirait « des scientifiques de haut niveau pour éclairer le président de la République et la Première ministre sur les avancées de la science, et ce, indépendamment des crises. Cela serait d’autant plus utile que les dirigeants français n’ont pas toujours une culture scientifique », a conclu Jean-François Delfraissy. Le conseil insiste d’ailleurs, dans son dernier avis, en ligne depuis le 19 juillet sur le site du ministère de la Santé (ici au format PDF), sur l’importance d’une meilleure formation scientifique des futures générations de décideurs publics.
Info LM / AFP