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Italie : Mario Draghi annonce qu’il démissionnera, le pays plongé dans l’incertitude

Écrit par le 14 juillet 2022

Le Mouvement 5 Étoiles, membre de la coalition au pouvoir, a boycotté un vote de confiance sur un texte discuté ce jeudi au Sénat, mettant en péril le gouvernement.

Le président du Conseil italien, Mario Draghi, a annoncé en Conseil des ministres qu’il remettrait sa démission jeudi soir. « Je veux vous annoncer que ce soir je remettrai ma démission au président de la République » Sergio Mattarella, a déclaré M. Draghi, selon des propos rapportés dans un communiqué de ses services. Ainsi s’achève le bras de fer entre le président du Conseil et le leader du mouvement Cinq étoiles, Giuseppe Conte. Après des jours de menaces verbales et de médiations infructueuses, le leader du Mouvement 5 étoiles avait prononcé la rupture avec la majorité, qui depuis février 2021 liait dans une sorte de « gouvernement d’unité nationale » la quasi-totalité des forces politiques du pays, à l’exception notable du parti nationaliste Fratelli d’Italia.

Jeudi, alors que se votait au Sénat un plan d’aides de 23 milliards en faveur des ménages et des entreprises, auquel était attaché un vote de confiance au gouvernement, les sénateurs Cinq étoiles sont sortis de l’hémicycle pour ne pas participer au vote de confiance demandé par l’exécutif. Si la confiance a néanmoins été votée à 172 voix, la large majorité sur laquelle Mario Draghi avait appuyé son gouvernement n’est plus.

La Bourse de Milan a décroché jusqu’à 4 %. Et l’écart de taux à 10 ans avec le Bund allemand a grimpé jusqu’à 210 points, signe de l’inquiétude des marchés devant le retour de l’instabilité politique en Italie, au moment où le pays aux prises avec une situation d’une grande complexité doit gérer plusieurs crises dont celle liée à la flambée des prix de l’énergie. Et doit mettre en place dans les prochaines années le gigantesque plan d’investissements de près de 200 milliards d’euros financé en partie par l’Europe.

À l’origine de la crise politique, un prétexte, l’introduction d’une norme dans le plan d’aides qui permette de créer un incinérateur de déchets à Rome, un projet contre lequel le M5S se bat depuis des mois, le jugeant coûteux, polluant et peu efficaces. « Le M5S a soutenu ce gouvernement depuis ses débuts avec ses deux piliers de la transition écologique et de la justice sociale », justifiait encore jeudi Giuseppe Conte, qui n’est pas sénateur. « Si ensuite on crée un forcing et un chantage par lequel des règles contre la transition écologique entrent dans un décret qui n’a rien à voir, pour rien au monde nous ne donnerons nos votes. »

Avant-hier, Giuseppe Conte semblait pour autant ne pas vouloir faire tomber le gouvernement. Pour peser davantage au sein de la majorité, il avait transmis il y a une semaine à Mario Draghi une liste en neuf points de ses conditions pour que le mouvement reste dans la majorité, dont l’instauration d’un smic (qui n’existe pas en Italie), et un ensemble de mesures en faveur des ménages les plus démunis. Il espérait obtenir gain de cause sur chaque point, et en retirer de petites victoires pour asseoir sa légitimité devant ses parlementaires et les derniers électeurs Cinq étoiles. Aussi son geste de rupture est-il jugé incompréhensible au moment où le gouvernement fait voter un plan d’aides massif au profit des ménages et des entreprises, et où il s’apprête à adopter un salaire minimum et une politique des revenus au profit des travailleurs pauvres. S’il a pensé pouvoir reprendre le contrôle de la situation, et éviter in extremis la chute du gouvernement, Giuseppe Conte a semble-t-il fini par être dépassé par sa base la plus radicale.

Ce faux pas s’explique par la tentative désespérée de Giuseppe Conte de faire remonter le Mouvement 5 étoiles dans les sondages : élu première force politique au Parlement en 2018, avec 34 % des voix, le mouvement, qui a trahi les uns après les autres tous ses combats d’origine, subit depuis lors une érosion régulière de sa base d’électeurs, jusqu’à ne pas dépasser aujourd’hui les 11 à 12 % d’intentions de vote pour les prochaines législatives. Si chaque scrutin local se révèle un pas de plus vers l’extinction, au Parlement, sa base d’élus s’est elle-même considérablement rétrécie au gré des nombreux départs vers d’autres groupes parlementaires, et plus récemment, après la scission d’élus qui derrière le ministre des Affaires étrangères, Luigi Di Maio, ont quitté le mouvement pour former le groupe IPF, pour Insieme per Il Futuro « Cela fait des mois que les dirigeants Cinq étoiles planifiaient l’ouverture d’une crise pour mettre fin au gouvernement Draghi, expliquait hier Luigi Di. Maio. Ils tablaient sur neuf mois de campagne électorale pour remonter dans les sondages, mais ainsi condamnaient-ils le pays à tomber dans le précipice économique et social. »

Mario Draghi, qui dispose pourtant encore d’une majorité en nombre d’élus dans les deux Chambres, considère qu’il n’a plus la large majorité sur laquelle reposait ce gouvernement. Deux jours auparavant, il expliquait lors d’une conférence de presse que sans le Mouvement 5 étoiles le gouvernement ne saurait durer. Mais qu’en tout état de cause, il n’était plus question pour lui de diriger un gouvernement sous le chantage permanent des composantes de la majorité. L’important étant pour lui de pouvoir agir, et non de durer.

Aussi le président du Conseil est-il monté au Quirinal peu après le dépouillement du vote des sénateurs, comme il l’avait promis. Après près d’une heure d’entretiens avec le président de la République, Sergio Mattarella, sa décision était prise.

Info LM / AFP