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Bientôt des ordinateurs à base de neurones humains ? Des chercheurs y travaillent

Écrit par le 1 mars 2023

Des scientifiques prônent le développement de « bio-ordinateurs » fonctionnant grâce à la puissance de traitement de cellules cérébrales humaines cultivées in vitro. Selon eux, cette nouvelle « intelligence organoïde » pourrait rendre l’intelligence artificielle obsolète.

L’IA pourrait-elle être surpassée par l’IO ? C’est ce que pensent des scientifiques de l’université Johns Hopkins aux Etats-Unis qui affirment que « l’intelligence organoïde », ou IO, alimentée par des cellules cérébrales humaines vivantes, pourrait un jour dépasser tout système artificiel.

Les organoïdes sont des versions miniatures et simplifiées d’organes fabriqués in vitro en trois dimensions. Une équipe dirigée par Thomas Hartung, professeur en sciences de la santé environnementale à l’université Johns Hopkins, travaille sur des organoïdes cérébraux qui pourraient conduire au développement d’un « bio-ordinateur » alimenté par des cellules cérébrales humaines.

« Nous sommes à un moment où les technologies permettant de réaliser un véritable bio-ordinateur sont arrivées à maturité », estime Thomas Hartung. « L’espoir est que certaines des remarquables fonctionnalités du cerveau humain puissent être réalisées sous forme d’IO, comme sa capacité à prendre des décisions rapides sur la base d’informations incomplètes et contradictoires (pensée intuitive). »

Cette vision de l’avenir de l’IO a fait l’objet d’un article publié dans Frontiers in Science. L’équipe comprend des scientifiques de Cortical Labs, qui a fait les gros titres l’année dernière pour avoir créé un plat rempli de cellules cérébrales vivantes qui a rapidement appris à jouer au jeu vidéo Pong.

L’utilisation d’organoïdes cultivés à partir de cellules est avantageuse pour les scientifiques car elle ne nécessite pas de tests sur les humains ou les animaux. Thomas Hartung crée des organoïdes cérébraux fonctionnels depuis 2012 en utilisant des cellules de peau humaine qui sont reprogrammées dans un état semblable à celui des cellules souches embryonnaires. Elles peuvent ensuite être utilisées pour former des cellules cérébrales et à terme des organoïdes dotés de neurones fonctionnels et d’autres caractéristiques capables de soutenir des fonctions de base comme la mémoire et l’apprentissage continu.

« Cela ouvre la voie à la recherche sur le fonctionnement du cerveau humain », explique le chercheur. « Parce que vous pouvez commencer à manipuler le système, en faisant des choses que vous ne pouvez pas éthiquement faire avec des cerveaux humains ».

Un bio-ordinateur moins énergivore qu’un supercalculateur
Thomas Hartung et ses collègues envisagent d’assembler des organoïdes cérébraux dans de nouvelles formes de matériel informatique biologique beaucoup plus efficace sur le plan énergétique que les supercalculateurs actuels. « Le cerveau est encore inégalé par les ordinateurs modernes », poursuit Thomas Hartung. « Frontier, le dernier superordinateur du Kentucky, est une installation de 600 millions de dollars et de 630 m². Ce n’est qu’en juin de l’année dernière qu’il a dépassé pour la première fois la capacité de calcul d’un seul cerveau humain, mais en utilisant un million de fois plus d’énergie. »

Il concède que les ordinateurs sont plus rapides pour traiter les chiffres et les données, mais maintient que les cerveaux restent supérieurs lorsqu’il s’agit de problèmes logiques complexes. « Les ordinateurs et le cerveau ne sont pas identiques, même si nous avons essayé de rendre les ordinateurs plus semblables au cerveau dès le début de l’ère informatique. La promesse de l’IO est d’ajouter de nouvelles qualités. »

Ces concepts d’ordinateurs biologiques et d’intelligence organoïde soulèvent de multiples débats éthiques. Des discussions sur des organoïdes devenant sensibles, conscients ou auto-conscients et les implications qui en découlent ont cours depuis des années déjà, même si la technologie est considérée comme immature pour le moment.

« Il n’y a probablement pas de technologie sans conséquences involontaires », argumente Thomas Hartung. « Bien qu’il soit difficile d’exclure de tels risques, tant que les humains contrôlent l’entrée et la sortie ainsi que le retour d’information au cerveau (…) les humains ont le contrôle . Cependant, comme pour l’IA, le problème se pose dès que nous donnons de l’autonomie à l’IA/IO. Les machines, qu’elles soient basées sur du silicium ou des cellules, ne doivent pas décider de la vie humaine. »

Des membres de l’équipe de recherche ayant une formation en bioéthique se sont efforcés d’évaluer les implications éthiques du travail avec l’IO. L’intelligence organoïde et les bio-ordinateurs ne constitueront pas de sitôt une menace pour l’IA ou les cerveaux humains. Mais Thomas Hartung pense qu’il est temps de commencer à augmenter la production d’organoïdes cérébraux et de les entraîner à l’IA afin de combler certaines lacunes de nos systèmes actuels basés sur des puces silicium. « Il faudra des décennies avant que nous atteignions l’objectif de quelque chose de comparable à n’importe quel type d’ordinateur », reconnaît Thomas Hartung. « Mais si nous ne commençons pas à créer des programmes de financement pour cela, ce sera beaucoup plus difficile. »

Info LM / AFP