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Une ancienne trésorière de Kiabi mise en examen et écrouée soupçonnée d’avoir détourné 100 millions d’euros

Écrit par le 27 septembre 2024

Une femme de 39 ans a été interpellée au mois d’août par la police judiciaire. Elle était recherchée après que 100 millions d’euros s’étaient volatilisés des caisses de l’enseigne d’habillement.
Le lundi 12 août 2024, sous une chaleur écrasante, un jet privé se pose sur la piste de l’aéroport de Figari (Corse-du-Sud). À son bord, une femme de 39 ans qui arrive d’Italie ne se doute pas qu’un comité d’accueil un peu particulier l’attend. Voici plusieurs semaines que la police judiciaire est sur ses traces. Depuis que Kiabi, l’enseigne de vêtement « à petits prix » a déposé plainte, après s’être aperçu que 100 millions d’euros avaient disparu de ses caisses.

Les enquêteurs de l’office central de la grande délinquance financière (OCRGDF) n’ont pas tardé à mettre un nom et un visage sur celle qui semble à l’origine d’un colossal détournement de fonds : la suspecte est une ancienne trésorière de l’entreprise qui a quitté l’hexagone pour s’installer en Floride et y travailler dans le domaine du luxe.

Selon une source proche de l’affaire, c’est mi-juillet que Kiabi cherche à récupérer un investissement réalisé un an plus tôt. En juillet 2023, la trésorière fait ouvrir un compte dans une banque à l’étranger – en Europe – pour y placer des fonds de l’entreprise. Le virement part : 100 millions d’euros, tout rond. Une somme qui aurait dû dormir quelque temps et rapporter des intérêts. Mais lorsque Kiabi se rapproche de la banque cet été pour récupérer le placement, l’argent s’est volatilisé, selon la technique des « comptes rebonds ». Entre-temps, l’ex-trésorière s’est installée à Miami. Elle y travaille pour un groupe spécialisé dans le luxe. Elle y est chargée de la partie « design ». Dans un court portrait en anglais sur internet, elle y est décrite comme ayant débuté une carrière « diversifiée » au sein de sa propre société de gestion de patrimoine. Parmi ses réalisations, l’aménagement du hangar du jet privé d’un célèbre DJ américain.

Sitôt la découverte faite, Kiabi dépose plainte et le parquet de Paris ouvre une enquête. Les premiers éléments laissent à penser que l’ancienne trésorière a ouvert le compte en banque en usurpant l’identité d’un haut responsable de la société.

Mais l’ancienne collaboratrice n’est pas très prudente. Elle se met en scène sur les réseaux sociaux, une aubaine pour les enquêteurs qui s’aperçoivent qu’elle se trouve en Europe. En photo, on la voit sur l’île grecque de Mykonos, lors d’une fête somptueuse organisée pour lancer son cabinet d’architecture d’intérieur, puis sur la côte Amalfitaine en Italie. Est-ce par naïveté ou par audace, la suspecte aux racines napolitaines et corses, selon le même portrait, va même jusqu’à prendre un jet privé pour se poser en Corse.

Dans ses bagages, les policiers qui l’interpellent vont découvrir plus de 500 000 euros de bijoux et d’affaires de luxe. À l’issue de la garde à vue, l’ex-trésorière de Kiabi a été ramenée à Paris, où un juge d’instruction l’a mise en examen pour « escroquerie et blanchiment en bande organisée ». Car les enquêteurs n’imaginent pas qu’elle ait pu agir seule. Dans un entretien au Figaro Madame(Nouvelle fenêtre), le 16 août, la cheffe de l’office central de lutte contre la grande délinquance financière évoquait sans davantage de précision l’existence parmi ses dossiers d’une « nébuleuse soupçonnée d’avoir blanchi 100 millions d’euros ».

À l’issue de sa mise en examen, la suspecte a été placée en détention provisoire, et la justice s’attelle désormais à comprendre les mécanismes précis de cette escroquerie hors norme, « digne d’une série Netflix », commente un connaisseur du dossier, mais aussi à retrouver l’argent, qui représente environ 4% du chiffre d’affaires de Kiabi (2,2 milliards d’euros en 2023).

Contactée par Franceinfo, l’enseigne d’habillement explique avoir été « victime d’une fraude financière sophistiquée d’ampleur », découverte « à l’occasion de vérifications internes ». Kiabi précise tout entreprendre pour « obtenir le recouvrement de la fraude », tout en précisant que cela « ne remet en aucun cas en cause (sa) solidité financière et n’a pas de conséquence sur le maintien de (sa) trajectoire annuelle ».

L’entreprise, qui dit sa « confiance dans le dénouement des actions menées par les autorités judiciaires et policières » ignorait que quelques semaines avant de virer les 100 millions d’euros, son ancienne trésorière avait été condamnée par le tribunal correctionnel de Paris à deux ans de prison avec sursis pour une escroquerie au préjudice d’une autre entreprise, cette fois à près de 800 000 euros.

Info LM / AFP