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Gabriel Attal à Matignon, les raisons d’une nomination surprise

Écrit par le 9 janvier 2024

Gabriel Attal, premier Premier ministre ouvertement gay en France
A 34 ans, Gabriel Attal devient ce mardi 9 janvier le plus jeune Premier ministre de la Ve République, puisque Laurent Fabius avait trois ans de plus lorsqu’il est arrivé à cette fonction en 1984. Le symbole d’un parcours où tout a été à la vitesse de l’éclair.

Jeune conseiller socialiste de la ministre de la Santé Marisol Touraine pendant le quinquennat de François Hollande, il est élu député des Hauts-de-Seine en 2017, promu ensuite secrétaire d’Etat à la Jeunesse en 2018, puis porte-parole du gouvernement Castex entre 2020 et 2022, avant d’atterrir aux Comptes publics après la réélection d’Emmanuel Macron en mai 2022 et, enfin, d’être nommé à l’Education nationale en juillet 2023. Dire qu’il y a à peine trois ans, le Premier ministre Jean Castex cherchait encore « un os à ronger pour le jeune Gabriel », comme il l’avait écrit sur une note immortalisée par les photographes, à la sortie d’un conseil des ministres, sur le perron de l’Elysée…

En le nommant, Emmanuel Macron envoie plusieurs signaux. D’abord, le choix d’une forme de retour aux sources et au « en même temps » originel. Gabriel Attal est certes issu de la gauche et fut membre du Parti socialiste, mais son discours sur l’autorité plaît à la droite. Un très proche du chef de l’Etat analysait ainsi récemment :

« Le grand atout de Gabriel, objectivement, c’est qu’il est sur l’axe du centre gauche républicain qui est le pivot du bloc central aujourd’hui. Et qui lui permet d’agréger toutes les voix du dépassement. Bien plus que Darmanin qui est coupé de la gauche et bien plus que d’autres – Véran ou Beaune – qui sont coupés de l’aile droite. L’ADN du macronisme, c’est la radicalité républicaine à la Clemenceau. Et Attal est sur cet axe-là. »
Son arrivée à Matignon montre aussi la volonté du président de ressouder son camp, fracturé par la loi immigration sur laquelle le nouveau chef de la majorité s’est montré fort discret. Gabriel Attal est une star chez les militants de Renaissance, qui s’arrachaient les selfies lors de son passage au campus de rentrée du parti à Bordeaux début octobre 2023. Potentiel rival du centriste François Bayrou et de l’ex-Premier ministre Edouard Philippe – qui lui reconnaissent tous deux un réel talent politique –, il est néanmoins respecté des alliés. Celui qui dénonçait aussi « la gréviculture » à la SNCF en 2018 n’est pas non plus un repoussoir pour les élus du parti Les Républicains.

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Emmanuel Macron fait par ailleurs le choix d’un homme de communication. Dans ce registre, Gabriel Attal tranche avec sa prédécesseure Elisabeth Borne, une ex-préfète techno dont le style austère et la parole cadrée n’ont jamais imprimé auprès des Français. En privé ou dans le huis clos des conseils des ministres, le président se plaint régulièrement du manque de « faire savoir » des membres du gouvernement. Avec Attal, qui a ponctué son passage Rue de Grenelle d’annonces présentées comme « chocs », saturant les médias et maîtrisant les réseaux sociaux, il n’aura pas ce genre de problème.

Au passage, le président acte que le choix qu’il avait jusqu’ici privilégié – celui d’un profil de « supercollaborateur » se contentant assez bien d’être dans l’ombre – a montré ses limites. Pour tenter de renouer avec les Français, il reconnaît avoir besoin de « grandes gueules », et pas seulement à l’Intérieur ou à la Justice. Quitte à cohabiter avec un Premier ministre à la popularité bien plus importante que la sienne. Dans ses bagages, Gabriel Attal arrive avec des sondages flatteurs, qui sont le fruit de sa communication intensive bien plus que du bilan qu’il n’a pas eu le temps d’avoir à l’Education nationale. Et une ambition assumée qui risque de faire de l’ombre au chef de l’Etat.

A travers cette nomination, c’est aussi un message à l’opinion qui est envoyé. Alors qu’il a promis un « rendez-vous avec la nation » pour le mois de janvier, cherchant à susciter le réveil d’un sens civique chez les jeunes, le président propulse sur le devant de la scène un trentenaire qui incarne une forme de conservatisme – il fut chargé du service national universel (SNU) et plaide pour une expérimentation de l’uniforme à l’école. A quelques mois des élections européennes, il espère également contrer la poussée d’une autre bête médiatique de la même génération, Jordan Bardella, tête de liste du Rassemblement national au scrutin du 9 juin. C’est aussi, à l’heure où la France s’apprête à accueillir les Jeux olympiques (26 juillet-11 août), l’image d’une certaine modernité qui est projetée avec un chef de gouvernement qui communique sur Instagram et affiche ouvertement son homosexualité.

Info LM / AFP